"Overtourism" ? Les villes comptent.

Les 1ers travaux conduits sur la notion invitent à penser qu’elle serait plutôt issue d’expressions d’habitants ou de gestionnaires locaux guidés par des ressentis et une résistance au tourisme plutôt que par des décomptes conduisant à "objectiver" l’excès de quantité. Mais, les indicateurs quantitatifs et arguments statistiques autour du tourisme sont légion pour argumenter en faveur d’un trop-plein de tourisme dans les villes européennes. A noter que la crise sanitaire qui a mené à une baisse brutale du tourisme dans les villes peut changer la manière dont les indicateurs quantitatifs sont utilisés par les différents acteurs.

La séance "La ville étouffée par le tourisme mondialisé ?" dans le cadre de l'atelier "Quantification, métropoles et anthropocène" de l'Ecole urbaine de Lyon a permis d'amorcer la réflexion et ainsi de lancer le projet de recherche franco-suisse ANR-FNS (Fonds national Suisse) Overtourism coordonné par Fabrice BARDET directeur du laboratoire EVS-RIVES de l'ENTPE, et Mathis STOCK Professeur à l'Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne.

/// Objectifs du projet Overtourism

1. Observer la manière dont l’argument statistique autour du tourisme est utilisé par les villes et par leurs citoyens, que ce soit en argumentant en faveur du overtourism ou en faveur du undertourism ou toute autre dimension qui apparaîtrait comme pertinente.

2. Éprouver l’hypothèse de l’avènement de nouvelles formes de gouvernance touristique des villes ("Smart cities" ou autres) lié au développement de nouvelles formes de données, les big data, afin d’identifier la "gouvernementalité" qui y correspondrait. Il s’agit d’abord d’observer précisément comme l’arrivée des nouvelles données massives a influencé ou pas l’émergence du diagnostic du overtourism. Ou bien, de manière réflexive, ces nouvelles données sont-elles les traces de nouvelles pratiques d’occupation des espaces qui renforcent la perception du overtourism par les acteurs locaux ?

/// Méthodologie

D'une part sera étudiée la production des chiffres mobilisés dans les controverses actuelles dans 4 villes européennes : Venise et Lucerne, où le débat autour du overtourism bat son plein, Paris (métropole emblématique du point de vue du tourisme) et Lyon (une métropole secondaire dont la stratégie économique se fonde en partie sur le tourisme). D'autre part, seront analysés les usages politiques de l’argument statistique (pour la croissance du tourisme ? contre le tourisme de masse ? contre certaines formes de tourisme ? comme levier électoral ?).

Le projet s'articule autour de 2 disciplines : la sociologie de la quantification et la géographie du tourisme. Ainsi la méthodologie développée est la suivante :

• Entretien et observation sociologiques en lien avec le processus de production statistique, les acteurs et l'usage des données.
• Prise en compte de la dimension spatiale du fait des 3 échelles traitées (international, national, urbain/quartier) et des notions de mobilité et de flux que le tourisme suppose.

L'aboutissement sera un mapping inédit des sources de la production statistique sur le tourisme, utile à la connaissance du phénomène et qui pourra inspirer producteurs et utilisateurs de ces chiffres.